Charles Joseph Etienne Wolf (1827-1918)
Charles Wolf est né à Vorges (Aisnes) le 9 novembre 1827. Son père, d’origine alsacienne, est agriculteur, propriétaire exploitant, ancien officier et maire de Vorges. Il eut dix frères et sœurs.
Il poursuit d’abord ses études à l’Institution Saint-Vincent à Senlis puis au collège Rollin, à Paris où il est reçu au baccalauréat le 4 septembre 1846. En 1848 il passe le concours d’entrée à l’École Normale Supérieure où il est reçu à la septième place. Il en sort avec une licence en sciences physiques en 1851. Il est reçu premier à l’agrégation de physique. Il prend immédiatement un poste de professeur de physique au lycée de Nîmes où il reste une année. Il occupe ensuite le même poste à Metz. Il passe sa thèse le 10 décembre 1856 à Paris sur l’effet de la température qui prennent place dans les tubes capillaires. Il se marie la même année à Adèle Lasaulée, le 30 décembre à Metz. Il aura une fille. Son épouse décède en 1859 ; il ne se remarie pas. Il est bien noté des inspecteurs qui chaque année viennent l’évaluer. C’est probablement pour cela que l’inspecteur le propose en 1858 pour le poste de professeur de physique à l’Université de Montpellier qui est devenu vacant suite au décès de son titulaire, Monsieur Viard[1]. A Montpellier, sa notice individuelle, rédigée par le Recteur, le décrit comme de santé assez bonne, de caractère froid et de conduite publique et privée très bonne. Son travail est assidu, son exactitude est très grande ainsi que son zèle et sa fermeté. Ses rapports avec les autorités et le public sont appréciés. Wolf publie avec Émile Diacon, en 1862, un premier article sur les spectres des métaux alcalins. Il donne des cours sur l’analyse spectrale et l’acoustique.
En 1860, le jeune Wolf participe à l’expédition organisée pour l’observation de l’éclipse totale de Soleil du 18 juillet. Cette expédition, organisée par Hervé Faye est menée par Urbain Le Verrier (1811-1877). C’est probablement à cette occasion que ce dernier fait connaissance avec Charles Wolf. Le choix de Wolf serait dû, selon Puiseux, à ses travaux de spectroscopie car Le Verrier voudrait développer cette activité de recherche en astronomie.
Un peu plus tard, en 1862, le Verrier le fait nommer à l’observatoire de Paris. Un décret du 10 octobre 1862 porte le nombre d’astronomes à l’observatoire de Paris de quatre à sept et Wolf fait partie des nouveaux nommés. L’année suivante c’est au tour de Georges Rayet (1839-1906) d’être recruté. Il travaillera avec Wolf en spectroscopie stellaire et cométaire.
Ses premiers travaux à l’Observatoire de Paris concernent l’équation personnelle dans les observations des passages au méridien. Il construit un nouveau dispositif qu’il utilise jusqu’à ce que les troubles de la Commune viennent entraver la poursuite de ses travaux.
La découverte des étoiles dites de « Wolf-Rayet » apparaît dans une note de 1866 lue à l’Académie par Le Verrier. Il s’agit d’une étoile dont le spectre présente des raies brillantes. En 1867, une nouvelle étude porte cette fois sur trois étoiles de la constellation du Cygne « dont le spectre offre constamment des lignes brillantes. » Ces raies, au nombre de quatre dans une étoile et de deux dans les autres, ne correspondent pas à des corps connus. Il ne semble pas que Wolf ait poursuivi leur étude.
Le Verrier est démis de ses fonctions par décret impérial en mars 1870 à la suite de la démission de quatorze des astronomes qui déplorent son caractère autoritaire ; Wolf en fit partie. Eugène Delaunay (1816-1872) lui succède mais les choses ne s’arrangent pas. Un décret du 5 mars 1872 supprime le Conseil de l’observatoire de Paris, réintègre la météorologie dans cet observatoire et redonne une grande place au Bureau des longitudes, contre l’avis des astronomes.
Une lettre de Wolf à Delaunay nous permet de connaître les activités de Wolf avant le Siège. Il travaillait à la construction d’un sidérostat commencé par Foucault et que Wolf avait mis au point. Il disposait d’un laboratoire avec une chambre noire. Par ailleurs, avec l’assistance de Charles André il travaillait à l’équatorial à la construction de cartes célestes. Enfin il finissait un travail sur le réglage des pendules par l’électricité. Mais cette missive met au jour les dissensions qui apparaissent entre Wolf et Delaunay. Le 22 août 1870, il se rend en congé officiel, dans sa famille à Vorges. L’avancée des troupes ennemies empêche son retour. Profitant de son départ, Delaunay manœuvre pour le faire nommer à l’observatoire de Marseille. Wolf l’apprend par un courrier qui lui parvient, malgré les troubles, le 22 septembre. Il existe effectivement un projet d’arrêté en date du 7 septembre 1870 : « M. Wolf, astronome titulaire à l’observatoire de Paris, est délégué à Marseille comme directeur de l’observatoire de cette ville. » Le 22 septembre, Wolf répond qu’il ne peut se rendre à Marseille, bloqué qu’il est par les troupes. Par ailleurs il précise qu’à Marseille Stephan est tout à fait qualifié pour diriger l’observatoire et qu’il ne souhaite pas lui prendre sa place. Il demande donc au ministre de surseoir à l’arrêté. Dans une lettre du 11 octobre 1870, le gouvernement replié dans la ville de Tours accuse réception de sa lettre. Le 16 février 1871, Wolf peut reprendre la route pour Paris et se rend à l’observatoire le 17. Il est reçu par le directeur le 18 qui lui reproche son refus de mutation.
Il écrit à Delaunay le 8 avril 1871 une lettre dont le ton montre son niveau d’exaspération. Elle commence en effet par ces mots : « Quand nous sera-t-il possible de travailler en paix à l’observatoire ? » Il demande à reprendre son service conformément aux décisions du Conseil de l’observatoire approuvées par le Ministre. Delaunay lui répond qu’il n’aura pas d’assistant, que le programme de l’observatoire est défini par lui : « observation des astres mobiles et révision du catalogue de Lalande ». Wolf peut faire ce qu’il veut – seul- en demandant au directeur la disponibilité des instruments. La réponse de Wolf est désespérée et amère : « Ainsi l’on applaudira aux résultats que j’obtiendrai, mais on m’enlève tous les moyens d’en obtenir. Mon appareil à équations personnelles m’a été enlevé et mis sous clefs, l’équatorial est interdit puisqu’on me refuse un assistant ; aujourd’hui c’est le tour du sidérostat, pour lequel je viens de faire construire à mes frais un appareil spécial… L’armée de Versailles a chassé les communaux, il paraît qu’il reste encore chez nous des gens qui rêvent l’universalisation de la propriété, même scientifique… Je demande justice. » D’autres sont empêchés de travailler : Villarceau, André Groyet. Finalement il pense quitter Paris pour Marseille comme assistant de Stephan.
Une lettre du 27 juin 1871, adressée au Ministre de l’Instruction publique par l’intermédiaire d’un député de l’Hérault de ses amis, Bouisson, nous permet d’avoir le point de vue de Wolf. Il explique qu’avant le départ de Le Verrier, quatre services avaient été définis mais à son arrivée à la direction Delaunay les supprime et écrit à Wolf : « A dater d’aujourd’hui [30 juin 1870], je prends la direction effective de l’Observatoire. Il n’y a plus de services distincts. Je prie M. Wolf de passer à l’Observatoire me faire la remise des instruments et appareils dont il a été chargé jusqu’à présent. » Il pût travailler jusqu’à son départ en congé le 22 août 1870.A son retour il demande et obtient la révocation de l’arrêté le nommant à Marseille et se trouve réintégré à l’observatoire de Paris mais le directeur lui ôte toute possibilité de travailler. Il se retrouve empêché de travailler au sidérostat et à l’équatorial. Son matériel a été soit confisqué soit sorti de son laboratoire et placé à terre dans la galerie ou dans des placards, sans ordre. Il faut dire que, pendant le siège, les instruments avaient été démontés et mis à l’abri mais ils sont remontés lorsque le 18 mars 1871, l’insurrection de la Commune démarre. Le dimanche 21 mai, les insurgés s’y retranchent et résistent aux assauts des Versaillais. Ils quittent le bâtiment dans la nuit du 23 au 24 en incendiant une pièce et détruisant des instruments de géodésie. Quelques balles avaient endommagé le Grand équatorial de la tour de l’ouest et l’équatorial Gambay mais les dégâts peu importants seront vite réparés[2]. Il n’a non plus ni local (son laboratoire est transformé en chambre à coucher) ni assistant. Or la présence d’un assistant est obligatoire pour travailler sur l’équatorial. Il lui interdit également de s’occuper du sidérostat qu’il était en train d’installer avant l’insurrection, Delaunay se le réserve. Le seul travail qu’il peut poursuivre est celui du réglage des pendules par l’électricité. Cette lettre manuscrite du 27 juin 1871 est appuyée en marge par le député de l’Hérault qui note : « Le soussigné a été à Montpellier le collègue de M. Wolf qui était professeur de physique à la Faculté des Sciences de cette ville. M. Wolf st non seulement un savant éminent mais son caractère est d’une parfaite loyauté. Sa réclamation auprès de Monsieur le Ministre me paraît digne du plus sérieux examen. » Aucun document dans les archive ne nous permet de savoir les suites données. On sait que Wolf restera à Paris.
Au décès de Delaunay en 1872, Le Verrier, a été nommé de nouveau directeur de l’Observatoire par un décret daté du 13 février 1873. Mais les déboires de Wolf reprennent. Rappelons qu’il avait contribué avec treize autres astronomes à l’éviction de Le Verrier en 1870. Une lettre de Le Verrier du 15 mars 1877 est adressée au Ministre de l’Instruction publique pour se plaindre d’une absence irrégulière de Wolf. Cette lettre est accompagnée d’un relevé des jours d’observations de Wolf de septembre 1876 à février 1877. Elle est suivie par une nouvelle lettre du 16 avril ou Le Verrier écrit : « … L’observatoire publie en ce moment le volume des observations faites en 1875. M. Wolf n’y figurera que pour trois lignes : service absolument nul. 1876 ne vaudra pas mieux… Depuis 1875, époque à laquelle ce fonctionnaire se présenta à l’Académie, il n’a produit ni présenté aucun mémoire ou travail scientifique propre à appuyer une nouvelle candidature… » Plus loin, Le Verrier l’accuse de n’avoir observé que trente minutes par jour en février et mars. Le Directeur de l’enseignement supérieur du ministère de l’Instruction publique demande des explications à Wolf. Il répond, bulletins météorologiques à l’appui, que le temps a presque toujours été mauvais, mais qu’il a passé beaucoup de temps à chercher la planète Vulcain[3] qu’il n’a pas trouvée.
Le 20 avril 1877, Le Verrier expédie une nouvelle lettre dans laquelle il dénonce la «… négligence apporte par M. Wolf astronome titulaire, chargé de l’équatorial de la tour de l’ouest… ». Il se serait absenté vingt et un jours au mois de mars, sans autorisation, et Le Verrier demande une retenue de la même durée sur son traitement. Un anonyme, au Ministère, fait passer une note au Ministre accompagnant cette lettre non sans préciser qu’il faudrait entendre M. Wolf et que d’autre part Le Verrier a retiré leur service à deux astronomes Yvon Villarceau et M. Loewy. Plus tard Le Verrier accuse maintenant Wolf de vol d’accessoires sur un télescope. Wolf répond à cette accusation qu’il ne travaille pas sur ce télescope, qu’il ne dispose pas des clefs de locaux et qu’enfin un astronome a été nommé pour s’occuper de cet instrument. Le 23 septembre 1877, Le Verrier décède et les ennuis de Wolf semblent avoir cessés. Ernest Mouchez (1821-1892) lui succède et l’atmosphère de l’observatoire s’apaise. En 1892 ce sera François Tisserand (1845-1907) qui prendra la direction de l’Observatoire.
Dans un autre registre, Wolf, fidèle à Montpellier, a suivi en 1877 la construction du télescope destiné à l’observatoire du Jardin des plantes suite au don effectué par Jean Nicolas Legrand. Le 20 décembre 1883 : le ministre de l'instruction publique fait don sur proposition de la commission du passage de Vénus et sous l'instigation de Wolf de l'un des deux équatoriaux demeurés disponibles. Cet équatorial semble avoir été installé au jardin des plantes avec un miroir donné la même année par le ministre des travaux publics ainsi que plusieurs instruments à mesurer l'intensité calorifique des rayons solaires. Juste retour des choses, le registre des délibérations de la faculté de Montpellier indique que le 21 février 1878, la faculté des sciences de Paris annonçant la vacance de la chaire d'astronomie, la faculté de Montpellier recommande Wolf pour ce poste[4].
On rappelle que de 1875 à 1877, Wolf supplée Le Verrier à la faculté des sciences de Paris et qu’ensuite il est chargé du cours annexe de physique céleste. Le 20 février il est nommé professeur adjoint d’astronomie à la faculté des sciences puis professeur titulaire le 01/12/1892. Il démissionne alors de son poste d’astronome et devient astronome honoraire. A partir de cette date il se consacre principalement à son enseignement et semble très actif au sein de l’Académie des Sciences dont il sera vice-président en 1897 puis président pour l’année 1898. Il ne publie rien jusqu’en 1902 avec son Histoire de l’Observatoire de Paris de sa fondation à 1793. J. Canales[5] qui a admirablement bien analysé ce travail montre qu’en analysant le point de vue de Cassini IV, Wolf dévoile ses conceptions personnelles sur l’organisation de l’observatoire de Paris.
Il prendra sa retraite le 1er mai 1903. Il décède à Saint-Servan (Ille-et-Villaine) le 4 juillet 1918.
Autres fonctions et Distinctions
Membre de la Société Philomathique de Paris le 31 janvier 1864
Membre des académies de Metz, Montpellier et Cherbourg
Membre de la Société des spectroscopistes italiens en 1890.
Membre de la section Astronomie de l’Académie des Sciences le 16 avril 1883. Vice-président en 1897 et président pour l’année 1898.
Membre associé de la Royal Astronomical Society le 9 janvier 1874.
Officier d’Académie à Metz le 24 février 1856.
Officier de la Légion d’honneur en 1865 et Chevalier en 1895.
Références
Archives Nationales: F/17/21941/B; F/17/3719; F/17/3720
Notices nécrologiques :
Painlevé, Paul. Mémoires et communications des membres et des correspondants de l’Académie. CR hebdomadaires des séances de l’Académie des Sciences. 1918 ; 167 : 45-46
Bigourdan Georges. Mémoires et communications des membres et des correspondants de l’Académie. CR hebdomadaires des séances de l’Académie des Sciences. 1918 ; 167 : 46-47
N.B. : nombreuses erreurs dans ce document.
Puiseux, Pierre. Notice nécrologique de Charles-Joseph Wolf (1827-1918), promotion 1848. Association amicale de secours des anciens élèves de l’ENS, 72e réunion générale annuelle, 12 janvier 1919, pp 8-12.
Autres Références
Grillot Solange. Wolf, Charles-Joseph Etienne. Thomas Hockey. Biographical Encyclopedia of Astronomers. 2007, Springer, New York. Pp 1235.
Lévy, Jacques. Wolf Charles Joseph (1827-1918) . Dictionary of Scientific Biography. Charles Scribner and sons. New York 1970, pp 479-480.
Principales publications
Wolf, C. Recherches sur l'équation personnelle dans les observations de passages, sa détermination absolue, ses lois et son origine. Annales de l'Observatoire de Paris. 1866; 153: 153-208
Wolf C., Rayet G. Spectroscopie stellaire. Note de MM. Wolf et Rayet présentée par M. Le Verrier. Comptes-rendus de l’Académie des sciences. 1867 ; 65 : 292-6.
Wolf, C., André C. Recherches sur les apparences singulières qui ont souvent accompagné l’observation des contacts de Mercure et de Venus avec le bord du soleil. Annales de l'Observatoire de Paris. 1874 ; 10 :1
Wolf, C. Description du groupe des Pléiades et mesures micrométriques des positions relatives des principales étoiles qui le composent. Annales de l'Observatoire de Paris. 1877; 14:1
Wolf, C. Mémoires et observations. Les hypothèses cosmogoniques. Bulletin Astronomique, Série I. 1884 à 1895.
Wolf, C. Traduction de l’ouvrage d’Emmanuel Kant : La théorie du ciel. Paris, Gauthier-Villars, 1886
Astronomie et géodésie. Cours professé à la Sorbonne par C. Wolf. Rédigé par H. Le Barbier et P. Bourguignon Paris, G. Carré, 1891
Wolf, C. Histoire de l'Observatoire de Paris de sa fondation à 1793. Paris, Gauthier-Villars, 1902.
[1] Louis Dulieu « La faculté des sciences de Montpellier de ses origines à nos jours », paru en 1981 p 168
[2] Grillot S., Pernet J., Takahashi, H. L’observatoire de Paris dans la tourmente (1870-1871). Observations et Travaux (SAF). 1991 ; 26 : 38-41.
[3] Allusion à l’hypothèse de Le Verrier qui pensait qu’une planète proche du Soleil devait être responsable des perturbations du mouvement orbital de Mercure.
[4] Ces informations nous ont été communiquées par Noémie Aumasson et Flore César de l’Université de Montpellier (registre de délibérations de la faculté de 1865 à 1889)
[5] Canales J. The single eye : re-evaluating Ancien regime science. Hist. Sciences 2001; 39: 71-94
Alain Brémond