L’école d’Athènes.

La synthèse platonicienne


Platon ( 427-347) est un élève de Socrate. A l’inverse des philosophes précédents il a laissé de nombreux livres conservés jusqu’à nos jours, parmi lesquels trois parlent d’astronomie : la République, les Lois et surtout Timée. Il a fondé l’Académie, sorte d’école privée où viennent volontairement ceux qui veulent apprendre auprès des maîtres.

-  Ce qu’on connaissait à l’époque de Platon :

- Mouvement diurne des étoiles d’Est en Ouest

- Mouvement de longue période des astres errants (dont le Soleil) sur l’écliptique incliné par rapport à l’équateur céleste (Anaximandre).

- Le mouvement des planètes s’effectue dans une bande centrée sur l’écliptique où se situent les constellations du Zodiaque.

- Le retour périodique du lever et du coucher du Soleil dans les mêmes constellations du zodiaque aux mêmes saisons.

- Les irrégularités du mouvement des planètes avec les rétrogradations.

- La durée différente des saisons (Euctémon).

- L’étoile du matin et l’étoile du soir correspondent à la même planète : Vénus (Anaximandre).

C'est à partir de ces connaissances que Platon décrit un système cohérent. Il est largement aidé sur le plan astronomique par certains de ses élèves de l’Académie, Eudoxe de Cnide puis Callype de Cyzique.

C’est la première fois qu’est posé le principe du caractère exact, mathématique de l’astronomie. A partir de Platon les astronomes cessent de n’être que des observateurs : ils cherchent, pour expliquer l’Univers, des combinaisons de mouvements circulaires (jusqu’à Képler) pour coller aux observations qui montrent que ces mouvements ne sont pas aussi parfaits.

L’Univers est constitué de quatre éléments qui sont le feu, la terre, l’eau et l’air. (Timée 31,32 b) ; il a une forme de sphère (Timée 32,33 b). la sphère est en effet la forme la plus belle. Le second argument est plus scientifique. Platon fait observer que les contraintes des forces s’exerçant sur un objet déformable le conduisent à se transformer en sphère. Les mouvements observés dans cet univers sont circulaires : ce sont des révolutions (Timée 33,34 a). Il y a deux sortes d’astres : les étoiles fixes et les astres errants, les planètes ; planomai = errer en grec (Lois VII, 822 a). Les planètes sont au nombre de sept, elles tournent autour de la Terre. Les distances entre ces astres sont dans des rapports semblables à ceux des sons harmoniques (République X, 617 b).

Toutes les planètes ne se meuvent pas de la même façon. La Lune qui est sur le premier cercle et le Soleil font leur révolution sans irrégularité. Au contraire Vénus, l’astre du matin et Hermès (Mercure) ont un temps de révolution égal à la course annuelle du Soleil mais sont doués d’un effet en sens inverse qui rend compte des irrégularités de leurs rotations.

Platon décrit une façon imagée de se représenter l’Univers :

- Prenons une bande de papier. Coupons-la en deux bandes égales. Plaçons-les l’une sur l’autre avec un angle pour former un X allongé. L’angle entre ces deux bandes sera celui que fait l’écliptique sur l’équateur. Leurs extrémités sont ensuite collées pour former un cercle.  L’équateur, placé horizontalement décrit un mouvement d’est en Ouest. Il est extérieur, il porte les étoiles et représente le mouvement diurne. Platon l’appelle « le Même ».

Le second cercle de papier est intérieur ; il est appelé « l’Autre » par Platon. Il tourne dans le sens est-ouest : ce sont les mouvements de longue période des planètes. Il est découpé en sept cercles concentriques qui portent les planètes. Leurs diamètres sont différents : petits près de la Terre, plus larges lorsqu’on s’en éloigne. Les distances entre les cercles de papier sont comme celles qui séparent les notes de musiques (dans l’harmonie occidentale).

Trois cercles se meuvent avec une vitesse à peu près égale, ceux qui portent le Soleil, Mercure (Hermès) et l’Astre du Matin (Vénus). Les quatre autres se meuvent à des vitesses différentes des trois précédentes et différentes entre elles.

Le mouvement du Soleil se fait en hélice. Il est en effet la résultante du mouvement diurne et de la révolution autour de la Terre. Chaque jour il décrit un cercle différent (il se lève, atteint une hauteur et se couche en des repères différents. Platon imagine que ce mouvement ne se fait pas sur des cercles concentriques mais bien en continu d’où son aspect en hélice.

Platon n’explique pas les avances et les retards des planètes inférieures par rapport au Soleil.

Les circuits des planètes sont courts ou longs en fonction de leurs distances par rapport à la Terre. Les périodes sont différentes et certaines planètes en rattrapent d’autres.

Le temps n’existait pas avant que le Ciel ne fût né (Timée 37 e). Cette conception est très actuelle puisqu’il en est ainsi dans la théorie du Big-Bang. C’est le Temps qui gère le mouvement des planètes. Le jour est défini par le mouvement diurne. Le mois est défini lorsque la Lune a tourné sur son orbite et rattrapé le Soleil. Une année s’est écoulée lorsque le Soleil a fait le tour de son orbite. Platon déclare que la différence des temps de révolution des planètes n’a pas d’explication connue des hommes. Il existait cependant des planétaires qui permettaient de montrer les mouvements de ces différents astres.

Platon estime par principe qu’aucune explication certaine du Monde en devenir n’est possible. Il n’encourage pas les recherches. Il développe l’idée que la géométrie prime sur l’observation, qu’il faut développer un modèle géométrique de l’Univers (ce que fera son élève Aristote). Cependant il ne déprécie pas trop l’observation car dit-il «tout l’Univers a été créé intentionnellement. Il faut bien le connaître pour ne pas risquer l’impiété » ; lorsqu’on sacrifie aux dieux il faut le faire aux bonnes périodes, celles prédites grâce à une bonne connaissance de l’Astronomie.

Eudoxe de Cnide (408-355) modifie le système de Platon  pour «coller » mieux aux «irrégularités » des mouvements. Il décrit 27 sphères : quatre pour les cinq planètes, trois pour le Soleil et la Lune et une pour les étoiles. Mais surtout il fait construire un observatoire à Cnide; le résultat de ses recherches est publié dans deux ouvrages "Miroir" et "Phénomènes" qui constituent les bases de l'observation astronomique et auxquelles se référa Hipparque.

Par ailleurs il était mathématicien et semble avoir été le premier à montrer son intérêt pour la météorologie.

Platon

 

Callype de Cyzique ajoute sept autres sphères: une pour Mars, Vénus et Mercure et deux pour le Soleil et la Lune. Il est le premier à mettre en évidence l'inégalité de longueur des saisons.

Ces modèles sans doute très complexes ne sont pas décrits dans des textes connus de nous. Ils ne devaient certainement pas tout expliquer et les recherches en  géométrie astronomique se sont donc poursuivies.

Aristote (384-322) mérite notre attention ne serait-ce que parce que " aristos " en grec veut dire " excellent ". Et puis deux mille trois cent vingt quatre ans après sa mort, on parle toujours de sa doctrine: "les aristotéliciens", de son école "le Lycée", et même de ses élèves les "péripatéticiens" , bien que ce soit souvent au féminin et que le sens ait un peu dérivé depuis.

Socrate a eu pour élève Platon qui a eu pour élève Aristote qui a eu pour élève Alexandre le Grand. Lequel, malgré ses conquêtes qui l'avaient emmené très loin de sa terre natale, n'oubliait pas son ancien maître et lui faisait parvenir des végétaux, des animaux, des fossiles pour enrichir sa collection d'histoire naturelle. Car Aristote comme beaucoup de génies était maître dans beaucoup de matières². Jusqu'à la fin du Moyen-Age "Aristote l'a dit" équivalait à "la philosophie enseigne".

La contribution d'Aristote à l'Astronomie sera surtout de lui avoir donné une forme considérée comme définitive pendant des siècles en accord avec les observations de tout un chacun et avec une Physique cohérente.

L'Astronome Callippos, à cause des désaccords persistant entre la théorie et les observations, complique encore le système de Callype de Cyzique en introduisant de nouvelles sphères dites "compensatrices". Hélas elles ne compensaient pas vraiment et Aristote doit en porter le nombre à cinquante cinq. Pourtant la première des cosmologies physiques est née, elle aura la vie dure. Et si elle satisfait aux exigences formulées par Platon sur la circularité des mouvements, elle n'explique pas certains phénomènes révélés par l'observation: les variations considérables de l'éclat de Mars, de Vénus, les variations du diamètre apparent de la Lune, la non-uniformité du mouvement apparent du Soleil sur l'écliptique… Elle suppose en effet que les distances  de la Terre au Soleil, à la Lune et aux planètes sont invariables, ce qui est loin d'être le cas. Aristote laisse la Terre solidement fixée au centre de tout et l'Univers est irrémédiablement clos. Il serait inexact de réduire la physique d'Aristote à un amas d'incohérences, car elle repose sur une base philosophique élaborée; elle est soutenue par une théorie scientifique systématique et en accord avec le sens commun et l'expérience quotidienne. Certes la science aristotélicienne est fausse mais gardons-nous de sourire en pensant au temps qui nous en sépare. Il est également vrai que cet univers, aussi restreint que fermé, qui a satisfait de nombreuses générations, nous donnerait maintenant des bouffées d'angoisse métaphysique.

Pour Aristote il y a quatre éléments: la terre et l'eau qui sont pesants et attirés vers le centre de la terre; l'air et le feu au contraire s'élèvent vers le haut.

Il distingue les mouvements naturels qui sont lents et les mouvements violents, dont la rotation des astres. Les planètes sont donc fixées sur des sphères cristallines qui, elles, tournent. La Terre ne peut être en mouvement car en tombant, elle irait plus vite que les objets qui sont posés sur elle du fait de son poids plus élevé et ceux-ci se retrouveraient bien vite flottant au-dessus d'elle.

Il distingue deux espaces dans le cosmos: le monde sublunaire où tout change, tout est corruptible et "impur" et le monde supra-lunaire où circule l'éther (le cinquième élément, la quinte essence), monde parfait et immuable.

D. Livet

Héraclide de Pont (388-315) a deux idées nouvelles de grande importance. Il décrit la rotation de la Terre sur elle-même et la révolution de Vénus autour du Soleil. Ce dernier ainsi que les autres étoiles tournent autour de la Terre. Jusqu'à Copernic, cette conception ne sera pas retenue par les astronomes.